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Le but : parler le langage du corps

Un jour à Paris, il y a plusieurs années, j'étais dans le métro avec mon ami Ioannis. Juste pour vous situer un peu, Ioannis est un ostéopathe d'une finesse et d'une intelligence remarquables et qui a étudié sans doute toutes les thérapies manuelles, ou presque. On discutait des résultats stupéfiants qu'on avait avec Bowen (technique qu'il utilise principalement, malgré toutes les études des autres thérapies) et alors il me dit : "Bowen, c'est parler le vrai langage du corps". Cela m'a frappée et je n'ai jamais oublié cette phrase. Ces quelques mots, venant de Ioannis, devaient signifier quelque chose de très important.

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À cette époque, grâce aux résultats plus que satisfaisants que j'obtenais avec cette méthode, je ne pratiquais que Bowen (malgré mes études en cours en ostéopathie). Je me suis demandée alors si c'était la séquence de moves, l'ordre dans lequel on va les effectuer. Question bien légitime : plusieurs thérapies utilisent aussi des "séquences" et une cartographie des points, comme Niromathé par exemple. Mais je doutais fort que ce soit ça, le langage du corps. En effet, même si on oublie un ou deux moves, ou que l'on se trompe dans l'ordre qu'il est suggéré de les effectuer, autant Niromathé que Bowen continuent à donner d'excellents résultats. Puis, attribuer l'efficacité de la méthode à la séquence de moves était trop simple : on tombait dans la recette toute faite. Le fonctionnement de l'organisme est bien plus complexe qu'un enchaînement de moves.

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Quelque temps passa, et vint le moment de présenter mon mémoire pour finaliser mes six années d'études en ostéopathie. J'avais choisi un sujet qui allait servir la méthode Bowen : la pause thérapeutique. Bien que ce mémoire fût terminé, je n'ai pas eu l'autorisation de le défendre, comme 14 étudiants du même groupe. Cette situation très surprenante et injustifiée n'allait pas m'arrêter et c'est en publiant cet ouvrage aux Éditions Sully que je me suis créée mon propre jury : "Le temps d'intégration somatosensoriel - La pause thérapeutique en ostéopathie, thérapie manuelle et travail corporel". C'est lors de l'écriture de ce livre, car il a fallu "ré-écrire" ce qui était présenté sous forme de mémoire dans un style plus littéraire, que j'ai réalisé, intensément, le rôle du système nerveux dans la thérapie manuelle. Il est devenu évident, grâce à la lecture de plusieurs dizaines de recherches scientifiques, et particulièrement des travaux de A.D. Craig, que tout, absolument toute l'information recueillie au niveau de la peau, et de tout l'organisme par ailleurs, se rendrait inexorablement au SNC.

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Je devais trouver des réponses à des questions que tous les thérapeutes qui pratiquent Bowen se posent : pourquoi, lorsque je fais de la thérapie manuelle, le patient revient-il en racontant qu'il a mieux dormi, qu'il se sent moins stressé ? Pourquoi, en plus de la douleur qui diminue, voit-on les patients se remettre à vivre et même à retrouver la joie de vivre ? Il faut bien que notre action ait eu une influence sur la régulation de l'homéostasie ! Et quelle partie de la méthode "encourage" cette régulation ? La pause thérapeutique est une des réponses, tel que je le décris dans mon livre. C'est par là  qu'il faut commencer. Puis, il y en a d'autres, que vous pourrez lire dans le livre de Diane Jacobs, que j'ai traduit et dont je suis l'éditeur : "DermoNeuroModulation - Thérapie manuelle pour les nerfs périphériques, notamment les nerfs cutanés".

 

Plus récemment, je suis allée encore plus loin et j'ai décidé de poursuivre mon travail d'écriture. Un autre livre est en préparation, qui va couvrir beaucoup plus en détails et en profondeur le rôle de la thérapie manuelle dans la régulation de l'homéostasie.

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Alors, quel est-il ce langage du corps ?

 

La plupart des techniques de thérapie manuelle visent un tissu spécifique du corps. La cible, ce que le thérapeute croit pourvoir modifier, peut se situer au niveau des fascias, ou des articulations, ou des chaînes myofasciales, des muscles, des tissus mous, des fluides, des structures crâniennes et plus encore. Les thérapeutes apprennent à les sentir et à les "ajuster". Prenons un exemple : un thérapeute ressent un muscle contracté. Par le biais d’une technique ou d’une autre, il veut « détendre » ce muscle parce qu'il est convaincu (ou parce qu’on l’a convaincu) que le problème provenait du muscle (ou de l'os, ou de l'articulation, ou de la circulation des fluides, ou des fascias, etc.) Le thérapeute veut ajuster ce qu'il voit ou ressent comme "anormal".


Je pense que c'est une erreur. Je pense que nous devrions d'abord comprendre la raison première de la contraction musculaire. Qu'est-ce qui fait que le muscle se contracte ? Quelle est la physiologie de cette contraction ? Au niveau cérébral, au niveau cellulaire, pourquoi le muscle se contracte-t-il ? Nous devrions tous répondre à cette question.


Jamais un muscle ne décidera de se contracter par lui-même, pour quelque raison que ce soit. Ce n'est pas son rôle. Le muscle n'est pas responsable de la contraction, il ne fait que ce qu'on lui dit de faire. Alors, d'où vient le signal de la contraction ? Oui, bien sûr, il provient du SNC qui envoie au muscle par l'intermédiaire d'un neurone moteur inférieur l’information de se contracter. Alors, pourquoi rendre le muscle (ou toute autre structure) responsable de la contraction (ou de tout autre déséquilibre) et lui appliquer toutes sortes de techniques, le forçant à se détendre (ou à s'ajuster dans n'importe quel sens) ? Pauvres muscles, ils doivent se sentir persécutés ! Pourquoi ne pas parler directement aux centres nerveux qui prennent toutes les décisions et qui décident de la contraction musculaire ? Pourquoi ne pas essayer de les faire changer d'avis ?

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Je n'ai pas le choix d'accepter ce qui est si évident : je dois apprendre à m'adresser au SNC et le laisser prendre toutes les décisions en ce qui concerne son propre corps. Les récepteurs de la somesthésie sont à ma portée, je dois apprendre à les utiliser pour proposer des changements au niveau du SNC. Et je dois attendre, le laisser gérer la situation et se normaliser lui-même. C'est ça le vrai langage du corps.

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