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Nerfs moteurs, nerfs sensitifs : des éclaircissements

Pour une raison ou une autre, ce que l’on a appris à propos des nerfs moteurs et des nerfs sensitifs n’est pas conforme à la neuroanatomie. La plupart d’entre nous avons appris que les nerfs moteurs allaient depuis le SNC vers les muscles et que les nerfs sensitifs se rendaient au SNC depuis la peau. J’ai fait cette erreur pendant des années, et la plupart de mes stagiaires, autant des kinésithérapeutes que des ostéopathes, la font aussi.


En gros, ce n’est pas faux, mais ce n’est pas totalement vrai non plus.


Tous les nerfs périphériques sont des nerfs mixtes. C’est-à-dire qu’ils contiennent TOUS des neurones afférents et des neurones efférents qui eux, sont unidirectionnels. Et ce, peu importe la cible du nerf dont ils font partie.


Il est possible qu’un rameau nerveux, par exemple le nerf du psoas issu du nerf fémoral, ne se rende qu’à un muscle, en l’occurrence ici le psoas, et qu’il ne continue pas son trajet vers la peau. Il n’en est pas moins mixte. Sa partie sensitive sera constituée de neurones afférents du nerf du psoas : certains informent le SNC de l’allongement musculaire (fibres Ia et II du fuseau neuromusculaire), d’autres neurones le renseignent sur la tension exercée sur le muscle (fibre Ib de l’organe tendineux de Golgi), d’autres neurones sensibles à la contraction musculaire le renseignent à propos de la charge musculaire (fibre type III) et enfin d’autres fournissent une représentation biochimique du travail énergétique ou de la dépense énergétique. (Ces derniers sont appelés les métaborécepteurs.) Ces neurones empruntent le même nerf périphérique que les motoneurones (donc efférents) alpha et gamma qui interviennent lors de la contraction musculaire. Ce nerf n’est donc pas un nerf « moteur » puisqu’il contient un grand contingent de neurones sensitifs.


Il est aussi possible qu’un nerf ne se rende qu’à la peau et on ne pourra pas dire de lui qu’il est un nerf uniquement sensitif. Par exemple, le nerf cutané postérieur de la cuisse n’innerve aucun muscle et pourtant, c’est un nerf mixte qui contient aussi des neurones moteurs. Ce sont les neurones moteurs autonomes qui sont les neurones responsables de l’information provenant du SNC, à travers les neurones pré et post ganglionnaires, vers les artérioles (thermorégulation et gestion du volume sanguin), les glandes sudoripares, les follicules pileux, les mastocytes (implication du système immunitaire) et les glandes surrénales (réaction de combat ou de fuite). Ces neurones empruntent le même nerf périphérique que les neurones sensitifs de la peau (fibres Aß, fibres A∂ et fibres C).




Pour tous les nerfs périphériques, les fibres afférentes atteignent la moelle épinière par le chemin de la racine dorsale, les fibres efférentes quittent la moelle par celui de la racine ventrale. Pendant un court moment, ils forment le nerf spinal qui se scinde rapidement en rameau dorsal et rameau ventral.




Il est à noter que certains nerfs crâniens ne sont que moteurs (nerf oculomoteur commun, nerf trochléaire, nerf abducens, nerf accessoire, nerf hypoglosse), et d’autres ne sont que sensitifs (nerf olfactif, nerf optique et nerf vestibulocochléaire).


Par contre, plusieurs nerfs crâniens sont des nerfs mixtes : le nerf trijumeau, le nerf facial, le nerf glossopharyngien et le nerf vague. Les recherches de A.D. Craig montrent que les afférences des fibres C et A∂ ainsi que les afférences du nerf glossopharyngien et du nerf vague sont les pendants afférents respectivement sympathiques et parasympathiques du système nerveux autonome qui lui, n’est qu’efférent.


Pour exprimer la réalité du nerf qui ne se rend qu’à la peau, ou qui se termine dans la peau, nous utilisons l’expression « nerf cutané », ce qui ne lui enlève pas sa fonction afférente, mais qui laisse un doute quant à son rôle efférent essentiel. De la même façon, l’utilisation de l’expression « nerf moteur » pour désigner le nerf qui se rend au muscle fait croire qu’il n’est que moteur et ainsi il perd son rôle afférent si important.


Je suggère qu’on utilise le terme « nerf mixte musculaire » pour bien insister sur la fonction afférente autant qu’efférente du nerf qui ne se rend qu’au muscle et d’utiliser le terme « nerf mixte cutané », ce qui ajouterait à la précision du rôle moteur du nerf cutané. C'est plus long, mais ça a le mérite d'être clair.


Louise Tremblay



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